La confrérie de la Sainte Famille à Québec
Cet article fait suite à celui publié l’année dernière, sur l’institution de la Confrérie de la Sainte-Famille de Ville-Marie, le 31 juillet 1663. Cet événement survenait 21 ans après la fondation de Ville-Marie.
Comme ce fut le cas pour Montréal, le véritable fondateur et promoteur de cette dévotion de la Sainte Famille à Québec fut le Père Pierre Chaumonot, jésuite. Mgr de Laval le fit venir de Ville-Marie, pour le mettre – avec Madame D’Ailleboust – à la tête de la confrérie qu’il souhaitait établir à Québec. Le 14 mars 1665, Mgr de Laval déclare par décret l’institution de la Confrérie de la Sainte-Famille en cette ville.
Le tableau du Frère Luc La Sainte Famille à la Huronne, peint en 1671, est basé sur une vision de Marie de l’Incarnation : Saint Joseph, patron de la Nouvelle France, présente à Jésus et à Marie une jeune Amérindienne, prémices de l’évangélisation des populations autochtones. Nous savons qu’au début de la colonie, les missionnaires récollets et jésuites se servaient des arts, et spécialement des gravures et des peintures, pour évangéliser les Amérindiens. C’est sans doute avec ce but missionnaire en tête que le Frère Luc a peint ce tableau, tout probablement au couvent des Franciscains Récollets de Québec.
La Sainte famille y est présentée avec une Huronne qui porte des boucles d’oreilles et une ceinture, à laquelle est attaché une médaille de la mission, que les historiens reconnaissent comme étant une médaille de conversion à la religion catholique. Cette peinture a sans aucun doute été réalisée pour être exposée au couvent des Ursulines, qui tenaient des classes pour les jeunes filles huronnes et leur enseignaient divers métiers. Un petit détail à remarquer : par l’échancrure de la draperie rouge, on voit au loin le rocher mauve de la ville de Québec et au pied de la falaise, on aperçoit les wigwams des Amérindiens.Pour comprendre ce tableau, il est nécessaire de s’intéresser à la Sainte Famille elle-même et au rôle que le clergé canadien lui fait jouer. On voit représentée une jeune huronne agenouillée au pied de la Sainte Famille – Jésus, Marie, Joseph, – qui l’accueillent dans un mouvement d’embrassement : « Les trois personnages, têtes rapprochées autour du lys, symbole de pureté, accueillent la dévote. L’Enfant Jésus, sceptre en main, prend appui sur ses parents et bénit la jeune fille invitée par saint Joseph à intégrer ce cercle divin, » écrit Muriel Clair.
Elle ajoute: « En 1671, une congrégation de la Sainte Famille est fondée à Notre-Dame-de-Foy de Québec. L’initiative en revient à une bonne Huronne élevée dans le Monastère des Ursulines, et mariée à un Français. Comment ne pas songer au tableau de la « Sainte Famille à la Huronne » du frère Luc récollet, qui illustre à la perfection cette fondation. Que le tableau soit contemporain de la création de la congrégation de la Sainte Famille chez les Hurons domiciliés n’est sûrement pas un hasard ; ce serait un indice supplémentaire pour croire Chaumonot quand il souligne que cette fondation est née de la piété partagée entre les habitants de Québec, les domiciliés hurons et les ursulines. La dévotion envers la Sainte Famille dépasse les états de vie, les appartenances culturelles et unifie la petite colonie.»
Georges Morin, ofm