Entre le bœuf et l’âne gris, Dort, dort, dort le petit fils Mille anges divins, mille séraphins Volent à l’entour de ce grand Dieu d’amour.
J’imagine que si une chorale d’enfants, se mettait à chanter ce très vieux cantique de Noël : Entre le bœuf et l’âne gris ayant devant les yeux cette Nativité de Giotto, ils y découvriraient facilement les principales illustrations de ces mots d’enfants qui abondent dans ce cantique de Noël composé sur le modèle d’une mélodie folklorique enfantine. Il me semble que ces petits chanteurs apercevraient tout de suite au centre du tableau de la crèche « le bœuf et l’âne » près de l’enfant Jésus avec Marie à ses côtés. Surement ils poseraient la question : Pourquoi ces animaux se trouvent-ils à cet endroit en face « du petit fils, entre les deux bras de Marie. »
Nous savons que la présence du bœuf et de l’âne dans la crèche de Bethléem n’est pas mentionnée dans les évangiles mais est inspirée du prophète Isaïe qui reproche à Israël et à son peuple de ne pas connaître son Dieu au contraire du bœuf et de l’âne : « Le bœuf connaît son possesseur et l’âne la crèche de son maître, Israël ne connaît pas, mon peuple ne comprend pas. » (Is 1 1-3).
Dans cette Nativité de Giotto nous remarquons que « le petit fils » de cette scène de la crèche n’est pas du tout en train de dormir (comme l’indique les mots du cantique) mais qu’il est parfaitement éveillé ! En fait, celui-ci a les yeux ouverts et ils sont fixés sur le visage de Marie qui elle aussi le regarde dans les yeux pour la première fois. La tête de Marie s’incline légèrement, un léger sourire se forme sur ses lèvres et son petit garçon semble lui sourire en retour. (Peut-être est-elle en train de lui chanter tendrement : Dodo, l’enfant do L’enfant dormira bien vite Dodo, l’enfant do L’enfant dormira bientôt !… )
Il est tout-à-fait probable que nos petits chanteurs n’auraient pas remarqué ce détail « du petit fils » qui ne s’endort pas ni cet autre détail qui se trouve tout en bas de la crèche : Une autre présentation de l’Enfant Jésus dans les bras d’une sage-femme qui s’apprête à lui faire prendre son bain avec l’aide d’une autre compagne.
Les images des deux chœurs d’anges portant ces noms charmants de « mille anges divins, mille séraphins » auraient certainement attiré l’attention de nos petits chanteurs qui les auraient aperçus en premier et les auraient admirés longuement. Il est assez rare cependant de trouver dans une Nativité deux chœurs d’anges, l’un à l’intérieur de la crèche et l’autre à l’extérieur comme le fait ici Giotto.
On voit dans ce tableau que les anges arrivent précipitamment de tous les côtés. Douze d’entre eux représentent le chœur céleste des « mille anges divins » qui volent au-dessus de la Mère et l’Enfant. Ces anges ont des visages mi-célestes et mi-terrestres et leurs mains sont jointes pour la prière, mais ils portent des robes qui se courbent avec une fleur ressemblant à des notes de musique. Ils seraient donc en train de chanter.
Au-dessus du toit, d’autres anges (les « mille séraphins ? ») convergent vers l’étoile de Bethléem, située au sommet central du tableau et les rayons d’or descendent sur l’Enfant, nouveau-né : « ce grand Dieu d’amour ». La Parole s’est faite Chair et soudain du haut des cieux éclatent les chants de louange des nombreux séraphins qui sont « des myriades de myriades et des milliers de milliers » (Ap 5,11). « Et soudain, comme l’écrit saint Luc (Lc 2, 13-14), se joignit à l’ange une troupe nombreuse de l’armée céleste qui louait Dieu en disant:`Gloire à Dieu, au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime`.»
Pour exprimer en couleur cette Gloire de Dieu apparaissant dans le ciel de Bethléem, Giotto utilise une teinte de pierre fine d’un bleu d’azur sans pareil. Un franciscain d’Assise, Enzo Fortunato, écrit ceci au sujet de cette couleur : « Tout est à la fois si puissant et si tranquille. Giotto élimine les effets spéciaux et utilise cette couleur bleue, inédite, `si captivante, si émouvante` à laquelle personne ne résiste… Le pigment a le même éclat que l’or, mais plus réel : la voûte étoilée est bleue, le ciel de (la Nativité) est bleu. Le manteau de Marie est bleu. Une couleur profonde, lumineuse mais surtout ‘royale et réelle` ».
En vous souhaitant mes meilleurs vœux de Noël 2021 voici un court extrait du Psaume de Noël de saint François d’Assise : « Voici le jour que fit le Seigneur, jour d’exultation et de joie. Car le très saint enfant bien-aimé nous est donné, pour nous il naquit en chemin et fut placé dans une crèche, car il n’avait pas de place à l’auberge. Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur terre aux gens de bonne volonté. Que se réjouissent les cieux, qu’exulte la terre, que tressaillent la mer et sa plénitude, les champs se réjouiront et tout ce qu’ils contiennent. Chantez au Seigneur un cantique nouveau, chantez au Seigneur, terre entière. »
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À propos de l'auteur
Georges Morin, né à Saint-Célestin, diocèse de Nicolet, en 1936, est un frère franciscain-prêtre et membre de la Province franciscaine Saint Esprit du Canada. Missionnaire en Corée de 1965 à 1991, il a travaillé au Bureau des Mission et à la revue Missions des Franciscains, a œuvré en pastorale paroissiale et pris une part active dans l’Ordre Franciscain Séculier. Ses domaines d’intérêt se centrent notamment sur l’interprétation spirituelle d’œuvres d’art de grands maîtres (Giotto, Van Gogh, Chagall…), la musique classique et la nouvelle évangélisation par l’art et la couleur.