Dans une lettre à sa mère et à sa sœur, datée du 11 juillet 1890, Vincent van Gogh décrit sa fascination pour le paysage sans limites: «Ce sont d’immenses extensions de champs de blé sous des cieux turbulents». Cette peinture invite donc le spectateur à contempler les champs, les nuages, les arbres et les meules de foin, tenues agréablement et harmonieusement ensemble, s’étendant potentiellement au-delà des limites du cadre de ce tableau.
«Dans le Cantique des créatures de François d’Assise, écrit Leonardo Boff, se croisent les deux lignes, l’horizontale et la verticale qui, ensemble, forment un symbole bien connu de la totalité. Le mouvement initial monte tout droit, verticalement, vers Dieu: ‘Très-Haut, Tout-Puissant et bon Seigneur…’ Mais François se rend compte alors de son impuissance à chanter Dieu: ‘… nul homme n’est digne de te nommer’. Il ne s’en attriste pas pour autant: il se tourne alors, horizontalement, vers les créatures : ‘Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures.’ Il s’ouvre à la fraternité universelle, et il chante avec les créatures.»
Dans le Cantique de frère Soleil, les créatures de Dieu sont différenciées par leurs qualités masculines et féminines, et se présentent en couples fraternels. Le premier couple, ‘frère Soleil’ et ‘sœur Lune’, symbolise la lumière avec les qualités contrastantes du jour et de la nuit. Des créatures mentionnées dans le Cantique, le soleil, le feu et le vent sont masculins parce que les qualités qui leurs sont associées reflètent le pouvoir et la robustesse; la lune, l’eau et la terre sont louées pour leur gentillesse et leur générosité: la lune pour sa clarté, l’eau pour son humilité et la terre pour sa fécondité. Cette polarisation du masculin et du féminin peut heurter nos sensibilités contemporaines et sembler sexiste. N’oublions pas, toutefois, que François porte ici un regard poétique sur l’interrelation et la complémentarité.
La ‘fraternité universelle’ de François, telle qu’exprimée dans le Cantique de frère Soleil ressemble beaucoup à l’harmonie cosmique de la pensée chinoise. Pour expliquer cette grande harmonie du ciel et de la terre, les chinois utilisent des expressions maintenant connues: le Yang associé au Soleil (le jour) qui représente la part masculine de la nature et le Yin associé à la lune (la nuit) qui en représente la part féminine. Le Yang masculin et le Yin féminin sont mutuellement complémentaires et s’équilibrent comme le ciel et la terre.
Dans le Cantique de François, tous sont frères et sœurs dans la grande famille du cosmos. À propos de cette fraternité universelle, Bonaventure, le disciple de François, nous a laissé cette célèbre réflexion: «Considérant que toutes les choses ont une origine commune, [François] se sentait rempli d’une tendresse encore plus grande et il appelait les créatures, aussi petites soient-elles, du nom de frère ou de sœur».
Soleil et lune, bénissez le Seigneur. Nuits et jours, bénissez le Seigneur.
Lumière et ténèbres, bénissez le Seigneur, louez-le et surexaltez-le dans les siècles!
Georges Morin, ofm