Durant les deux dernières années de sa vie, à Arles et à l’asile de Saint-Rémy, Van Gogh dessina régulièrement. C’est ainsi qu’à la fin du mois de mai 1888, il fit un voyage aux Saintes-Maries-de-la-Mer, un village de pêcheurs sur la côte méditerranéenne où il peignit ce paysage ‘d’une mer bleue sous un ciel bleu’.

Ce tableau de Van Gogh illustre bien la cinquième strophe du Cantique du frère Soleil de François d’Assise, dédiée à sœur Eau: Loué sois-tu, mon Seigneur, par sœur Eau, laquelle est très utile et humble et précieuse et chaste.
«Saint François, écrit Éric Doyle, appelle l’eau: utile, humble, précieuse et chaste. Dire que l’eau est utile, c’est tellement évident que c’est presque un truisme. Cela aurait beaucoup avantagé l’eau si François l’avait décrite comme un élément vital ou indispensable. Même si elle est vitale pour nous, l’eau ne se glorifie jamais et elle ne nous domine pas. Elle est toujours humble, même si parfois elle nous rappelle sa puissance dans les mers déchaînées, les pluies torrentielles et dans les gonflements des rivières. Et nulle part son humilité n’est plus manifeste que dans les sources, d’où elle sort à gros bouillons pour se transformer progressivement en de grands courants puissants qui se frayent un chemin vers la mer. Mais, même si l’eau était orgueilleuse, nous saurions facilement lui pardonner, je pense, parce que sa beauté, sa force et sa richesse l’excuseraient. Elle aurait raison d’être orgueilleuse. Pourtant, la vérité est que l’eau demeure humble.» Saint Bonaventure compare la vie spirituelle de François d’Assise à l’humilité de sœur Eau: «Ceux qui cherchent de l’eau doivent creuser profond. Pareillement, qui désire être rempli de l’eau vive doit creuser en lui un puits d’humilité… L’humilité prépare un lieu où s’épanchera l’amour.»
Saint François utilise aussi deux autres qualificatifs pour décrire l’eau. Il la dit ‘précieuse et chaste’… «C’est la deuxième fois, écrit Éloi Leclerc, que nous rencontrons dans ce cantique le qualificatif ‘précieux’. La première fois il était accroché aux étoiles. Quelque chose de l’éclat des étoiles se retrouverait-il dans l’eau? Il arrive que sœur l’Eau, rivalisant avec le ciel étoilé, scintille comme pierres précieuses. Mais n’est-il pas étrange que François, le pauvre absolu, rêve ainsi de substances précieuses au ciel et sur la terre! Il rêve d’étoiles précieuses et d’eau précieuse! De sa part, la répétition d’un tel qualificatif, à quelques lignes d’intervalle seulement et à propos de réalités aussi différentes, appelle toute notre attention… Pour François, une matière précieuse est une matière susceptible de symboliser le sacré.»
«On ne doit pas, dès lors, s’étonner de voir ce qualificatif ‘précieux’ associé à celui de ‘chaste’ dans l’image de sœur l’Eau. Les deux attributs vont dans le même sens… L’eau précieuse est une eau vive. Et cette eau vive jaillit des profondeurs inviolées, d’une source cachée, sacrée… L’eau vive a toujours une source plus profonde que le puits le plus profond. C’est une source sans contact avec le monde extérieur, une source intacte, vierge, sacrée.»
Et vous, les eaux par-dessus le ciel, bénissez le Seigneur. Et vous, océans et rivières, bénissez le Seigneur: A lui, haute gloire, louange éternelle!
Frère Georges Morin, ofm