Dans la Bible, la scène d’ouverture de la visite des trois étrangers à Abraham commence par l’apparition du Seigneur : « Yahvé apparut à Abraham au Chêne de Mambré, tandis qu’il était assis à l’entrée de la tente, au plus chaud du jour. » (Gn 18 1) Dans ce récit, l’ange du Seigneur est l’unique messager, les deux autres sont ses compagnons, envoyés en mission à Lot. Donc l’histoire des étrangers qui visitent Abraham et Lot comporte deux parties. Ils ont deux tâches à accomplir : la première est l’annonce d’un nouveau départ, la promesse de la naissance d’un fils et deuxièmement, ils doivent annoncer la destruction de Sodome et Gomorrhe.
Abraham est dépeint ici comme un maître de maison par excellence. Il salue ses hôtes avec beaucoup de respect : quelque chose d’inattendu et de très important est sur le point de se produire. L’accueil hospitalier est récompensé par un cadeau : la naissance d’un enfant. Mais cette annonce provoque l’incrédulité parce que les deux –Abraham et Sarah – sont vieux. Face à leur réaction, le Seigneur dit à Abraham : « Pourquoi Sarah a-t-elle ri et dit: « Vraiment, vais-je encore enfanter, alors que je suis devenue vielle ? » (Gn 18 13) et vient ensuite la question surprenante de Dieu : « Y a-t-il rien de trop merveilleux pour Yahvé ? » Pour la première fois, il devient évident que l’étranger est un messager de Dieu.
Au centre du tableau de Chagall Abraham et les Trois Anges se trouvent des rayures et des lignes qui représentent une tente. Sarah est à gauche. Sous ses pieds se trouve un arbre de vie, et sous elle un panier débordant de fruits exotiques, symbole de fertilité. Abraham est vêtu d’un vêtement de couleur bleue de style cafetan, correspondant à la couleur du vêtement de l’ange sur la droite. L’or sur les ailes de cet ange et le halo d’or autour de sa tête placent évidemment cet ange comme l’intervenant de premier plan. Les Trois anges sont au centre de la peinture, assis à une table richement couverte. L’ange au milieu et celui à gauche ont tourné leurs visages de sorte qu’ils regardent le spectateur, tout en incluant celui-ci dans l’événement.
Dans la bulle, placée en haut à droite du tableau, Chagall peint l’épisode de la Bible dans lequel Abraham apprend par les anges la volonté de Dieu de détruire Sodome et Gomorrhe. Dans la même toile sont donc évoquées à la fois une naissance et une destruction.
« Dans la peinture de Chagall, écrit Caroline Blyth, les messagers sont assis autour de la table d’Abraham – ailes flottantes, les pieds pendants – et semblent participer avec goût à la fête somptueuse qu’il a préparé pour eux. Abraham, quant à lui, se tient plutôt nerveusement, pas sûr, peut-être, de ce qui se passe. Les couleurs de ce tableau sont absolument magnifiques, le fond rouge brillant et la luminosité des ailes et des vêtements des anges évoquent une atmosphère qui surgit avec un esprit festif. J’aimerais juste qu’Abraham se détende, s’assoit à la table et profite de la fête. »
Toute l’attitude d’Abraham évoque l’acceptation de la volonté divine.