À la fin du mois de février dernier, j’ai reçu une invitation qui m’a apporté beaucoup de joie. C’était une rencontre au Musée des beaux-arts de Montréal pour y voir une importante exposition d’œuvres d’art d’un peintre contemporain que j’admire : Marc Chagall. Je me suis intéressé à ce peintre depuis plusieurs années.
Un franciscain a affirmé au sujet de La Crucifixion blanche de Chagall qu’elle avait un lien ténu avec la spiritualité franciscaine pour le simple fait que la forme de la croix de son tableau ressemblait au Tau franciscain. Personnellement, je me suis réjoui d’apprendre que cette peinture était l’une des toiles préférées du pape François.
En jetant un premier coup d’œil sur ce tableau on peut tout de suite se demander : Pourquoi Chagall a-t-il peint cette crucifixion en blanc ? La réponse que j’ai trouvé la plus convaincante est que celui-ci aurait voulu dépeindre un paysage de désolation sous la neige. Mais il y a aussi une large bande de lumière blanche venant du ciel, qui descend sur le crucifix et qui unifie l’ensemble du tableau. Et plus encore, c’est cette même couleur qui entoure d’un nimbe la figure du Crucifié et la menorah encore allumée.
Éloi Leclerc, franciscain, dans son livre intitulé Chagall un vitrail pour la Paix, décrit les conditions dans lesquelles se trouvait le peintre lorsqu’il a réalisé ce tableau de La Crucifixion blanche. « À Paris, Chagall (d’origine juive) retrouve la liberté nécessaire à toute vraie création artistique. Mais voici que le ciel se couvre et s’assombrit sur l’Europe. C’est la montée du nazisme en Allemagne, du fascisme en Italie et en Espagne. En Allemagne, les Juifs sont traqués et matraqués. Dans la nuit du 3 novembre 1938, par toute l’Allemagne, les synagogues s’embrasent et flambent comme les torches d’un gigantesque sacrifice expiatoire ; et les maisons des Juifs sont elles-mêmes saccagées. C’est la fameuse nuit de cristal.
Devant ces événements, Chagall est atterré. La Crucifixion blanche, qu’il peint cette année-là, est un cri de souffrance, lancé au monde. Sur ce tableau, l’on voit se dérouler autour du Christ crucifié des scènes de violence et de grand désarroi : des troupes de révolutionnaires, brandissant des drapeaux rouges, pillent et saccagent un village, des maisons brûlent, des fuyards en détresse sur une barque appellent au secours ; un homme vêtu d’un uniforme nazi profane la synagogue. Des silhouettes désespérées tentent d’échapper : un Juif traverse la toile en silence, marchant sur un rouleau de la Torah en flammes. A l’arrière-plan, dans une pénombre sinistre, le peuple juif se répand en complainte. »
En regardant ce tableau, je ne puis m’empêcher de penser à Édith Stein, aussi connue sous le nom de Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, qui écrivait en 1938 : « Sous la Croix je compris le destin du peuple de Dieu… Il est certain qu’aujourd’hui je comprends davantage ces choses, ce que signifie être épouse du Seigneur sous le signe de la Croix. Cependant il ne sera jamais possible de comprendre tout cela, parce que c’est un mystère ».
Georges Morin, o.f.m.