Les chrétiens de toutes les époques ont peint des images et des icônes de ‘la Madone’. Dès le début du IIIe siècle, une image, parmi les plus anciennes de l’art chrétien, représente le mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu né de la Vierge Marie. À Rome, dans les catacombes de Priscille, on peut voir cette esquisse de la ‘Madone à l’Enfant’. C’est la plus ancienne image de la Madone de l’histoire chrétienne. Elle décrit la Sainte Vierge et évoque l’humble village où elle a vécue : Nazareth.
Pendant les années de l’holocauste juif, Marc Chagall a peint de nombreuses scènes religieuses tirées de la tradition chrétienne. Il a peint une toile sur La Crucifixion blanche en 1938, déjà présentée sur ce blogue franciscain et, la même année, il en a commencé une autre sur la Madone du village. En 1940, alors qu’il vivait temporairement dans la ville provençale de Gordes, où il s’était enfui pour échapper à l’avancée nazie, il continua à travailler sur cette toile et repeint quelques-unes des zones qui étaient déjà esquissées. La peinture n’a été entièrement achevée qu’en 1942, alors que le peintre séjournait à New York. Il y ajouta sa signature et deux dates au coin gauche de la toile (Marc Chagall 1938-1942), référant aux dates du début et de l’achèvement de l’œuvre.
Chagall vivait depuis longtemps en France chrétienne et avait absorbé les divers éléments chrétiens de la ‘Madone à l’Enfant’ lorsqu’il a peint La Madone du village. La Vierge Marie porte tendrement un enfant dans ses bras comme dans les nombreuses peintures des Madones de l’histoire. Mais Chagall, en tant que Juif, avait dans sa tête sa propre Madone. Si nous regardons attentivement la figure de celle-ci, peinte sur ce tableau, nous constatons qu’elle porte les traits de son épouse Bella, habillée en blanc avec son enfant – une fille – Ida. Chagall est aussi là : il embrasse d’en haut la Madone.
Ici la Vierge Marie, un personnage à très grande échelle, couvrant presqu’entièrement le côté droit de la peinture, apparaît dans sa robe blanche et son voile immaculés. Elle semble se présenter comme la médiatrice, le trait d’union entre le ciel et la terre.
Les zones de couleur de cette peinture vont du noir en bas, au bleu au centre, et une teinte dorée joyeuse en haut. Le village en forme de sphère qui apparaît en bas à gauche n’est pas Nazareth mais Vitebsk, le village natal de Chagall qui est complètement en noir. C’est la nuit et une seule bougie apporte la lumière de la Madone. Celle-ci apparaît la nuit, comme le sauveur féminin et l’espoir d’un village noir torturé. Peut-être que Chagall a vu dans l’amour des femmes pures comme Bella le seul espoir pour les villes juives, qui étaient maintenant de plus en plus persécutées.
Au centre du tableau, se trouve le ciel bleu avec ses nuages cachant ombres et mystère, ainsi que deux anges : un bleu d’azur avec les bras croisés sur sa poitrine et un blanc jouant du clairon.
En haut, dans la lumière du soleil nous voyons les personnages terrestres et divins, symbolisant peut-être la crèche de la Nativité transfigurée. De gauche à droite se trouvent : l’amoureux au bouquet de fleurs, le bœuf ou la vache au violon, l’ange et la chanteuse. Le résultat est très lyrique. La Madone du Village est un poème en couleur.