Claude François (1614-1685) dit frère Luc, un artiste franciscain récollet de renom formé auprès de grands maîtres européens, a été comme on l’a dit ‘le premier artiste peintre à détenir une formation professionnelle dans l’histoire de l’art canadien’. Au cours d’un bref séjour de quinze mois au Canada en 1670-1671, celui-ci exécuta plusieurs grands tableaux pour le maître-autel de chapelles communautaires et d’églises de Québec et des environs.
Le tableau « L’Ange gardien de l’église de ce nom, écrit Gérard Morisset, est l’une des plus harmonieuses compositions de l’artiste ; il se dégage de cette toile une telle sérénité dans les expressions et un tel charme dans la couleur qu’il s’agit ici d’une œuvre de maître. »
Le livre L’art sacré en Amérique française décrit la scène : elle « représente un jeune homme, un serpent à ses pieds, les mains croisées sur la poitrine, regardant l’ange d’un air ému et abandonnant sa propre volonté à la sienne. L’ange gardien, suspendu entre ciel et terre, regarde l’adolescent et lui indique la voie de Dieu. Une étendue d’eau occupe l’arrière-scène et le ciel s’ouvre sur la lumière divine, avec le monogramme de Dieu resplendissant. »
Au temps du frère Luc, le culte de l’ange gardien était déjà bien établi dans l’Église Catholique. L’histoire franciscaine nous apprend que la fête des Saints Anges Gardiens a en premier été observée dans l’Ordre Franciscain par une ordonnance du chapitre général en l’an 1500. Quelque temps après, en France, le bienheureux François d’Estaing, évêque de Rodez, fit rédiger un Office en l’honneur des Saints Anges Gardiens par un franciscain, Jean Colombi, et cet Office fut approuvé par le pape Léon X, le 18 avril 1518. Mais c’est le 13 septembre 1670 que le pape Clément X fixait la fête des Saints Anges Gardiens au 2 octobre, et la rendait obligatoire pour l’Église Universelle.
De cet ancien Office en l’honneur des Saints Anges Gardiens, seuls quelques fragments sont parvenus jusqu’à nous. « En présence des anges, venez, adorons le Seigneur ». L’une des hymnes que nous chantons aujourd’hui est très solennelle : « Gloire à toi, Seigneur des anges, pour leur beauté où se déploie la splendeur de ta présence. Ils nous entraînent jusqu’à l’arbre de vie. Le Père vous a choisis pour accompagner vers sa lumière, les héritiers du salut. » Et la Préface de cette messe dédiée aux Saints Anges Gardiens ajoute ceci : « La splendeur de ces créatures spirituelles nous laisse entrevoir comme tu es grand et combien tu surpasses tous les êtres ».
C’est en 1671 que le frère Luc, aurait peint pour l’église de l’Ange-Gardien, sur la Côte-de-Beaupré, ce tableau consacré au Patron de la paroisse. Même si le culte de l’ange gardien devient populaire seulement au début du XVIe siècle, il n’est pas étonnant qu’il soit à l’honneur dans cette église puisque les anges, guides et protecteurs, intermédiaires entre Dieu et les fidèles, font l’objet d’une des dévotions particulières de Mgr François de Laval.
Le tableau est actuellement au Musée des Beaux-Arts de Québec, situé dans le parc des Plaines d’Abraham.
Georges Morin, o.f.m.