Déjà trois semaines de passés dans la nouvelle année 2019. De toute part, les souhaits fusent, parfois rigolos, parfois un peu superficiels ou généraux. Et puis soudain, au milieu du brouhaha, une personne s’arrête et nous fait des souhaits pas tout à fait comme les autres. Son regard est bienveillant, bon; on comprend qu’elle se soucie réellement de nous. On entre alors dans une fête des recommencements.
La dernière année fut très importante pour moi, mais aussi pour tous les franciscains du Canada. En effet, nous avons décidé d’unir nos forces si bien que nous formons désormais une seule entité pour tout le pays : la province Saint-Esprit ou Province of the Holy Spirit. Oui, notre groupe est bilingue. À titre personnel, ce fut une année consacrée aux études et à la recherche. J’ai terminé mon année fatigué ; un grand désir de recommencement m’animait. J’ai déménagé : pas très loin puisqu’il s’agit d’une nouvelle chambre dans la même maison. Ménage, nouvelle chambre, nouvelles responsabilités : je suis fin prêt pour les trois prochaines années.
C’est fou ce qu’on accumule au fil du temps! Il m’a fallu revisiter tous les dossiers accumulés, les objets entassés — et ils étaient nombreux! — ; j’ai pu faire un bilan des 15 dernières années de ma vie (depuis le temps où je demeurais à Joliette, en fait). Je me suis aperçu que j’avais gardé beaucoup de choses dans l’espérance qu’elles me soient utiles… Or, 7 ou 10 ans plus tard, je constate qu’il n’en est rien. J’ai rempli de nombreux contenants de recyclage et des sacs à poubelles. J’ai beaucoup donné de choses, aussi : des vêtements, des petits objets, etc. Ça fait du bien de trier.
Par ailleurs, j’ai aussi fait des redécouvertes étonnantes. Quel bonheur de voir de vielles photos du groupe de jeunes adultes de Joliette, de la Flambée, du R3, de la Grande mission, et de combien d’autres groupements ou organismes que j’ai fréquentés. Cela m’a rendu même nostalgique, par moment; j’en suis sorti avec le goût de reprendre contact avec de vieux amis. Le ménage était plus que nécessaire, mais plus encore, il était temps que je réactive certains liens ou amitiés. Oui, ça fait vraiment du bien de trier !
Voilà pourquoi, cette année, mes souhaits portent la marque de la profondeur, du temps qui passe. Aussi, j’ai remarqué tout de suite ceux et celles qui portaient en eux un souhait profond et bien senti. Les miens aussi ont changé. J’ai redécouvert la formule traditionnelle : « Bonne et heureuse année! ». Je la préfère à la version plus entendue : « Ben de la santé et de l’amour ! », qui n’est pas mauvaise, mais que l’on dit un peu distraitement. Ou encore : « Quand la santé va, tout va! ». Je comprends l’importance que celle-ci revêt pour beaucoup de monde, surtout les malades, mais je ne crains qu’elle prenne cette importance parce la société québécoise vieillit. Oui, il est important de ne pas avoir trop de problème de santé, mais je connais aussi des gens qui pètent la santé et qui pourtant s’en préoccupent constamment; parfois jusqu’à en perdre la sérénité. Par ailleurs, je connais des gens dont la santé vacille, mais qui marche sur ce chemin avec une belle sérénité. Pour moi, tout cela se retrouve dans la célèbre expression « Bonne et heureuse année ».
Puis je réfléchis, en ce début d’année et me demande parfois s’il ne faudra pas ressusciter l’antique « Bonne et sainte année! ». Bien sûr, l’adjectif « sainte » n’a plus la cote, au Québec, pas plus qu’on y trouve beaucoup de monde qui se soucie de « sainteté ». Je dirais même que le mot n’est plus compris, de manière générale. Or, il n’y a pas un village au Québec, ou une rue, ou un boulevard qui ne se nomme « Saint-Quelqu’un » ou « Sainte-Quelqu’une ». Le mot est très fréquent et tout autant mal compris. Voilà pourquoi il faudrait peut-être le rappeler à notre mémoire collective.
La sainteté, dans les Écritures, traduit la différence, ou la séparation ; ne pas être comme les autres, clairement distinct. Ce terme est particulièrement ajusté pour parler de Dieu : le tout-autre, le transcendant. Par ricochet, il désigne aussi tout ce qui lui appartient. Ainsi, l’apôtre Paul dans ses lettres parle des « saints » pour désigner les chrétiens, comme du peuple qui appartient à Dieu. Souhaiter une « Bonne et sainte année » n’est pas de vivre « saintement », comme on l’aurait fait en s’inspirant des images pieuses d’autrefois ; il s’agirait plutôt, selon la racine du mot biblique (hb. qadosh), de vivre de manière bien « distincte ». On souhaite alors à la personne de se démarquer par son appartenance à Dieu et à son Royaume. Y a-t-il plus belle formule? « Sois différent par le meilleur ». En lançant « Bonne et sainte année! », je souhaite aux miens qu’ils se distinguent dans ce monde en tant qu’amis de Dieu, que familier de son Royaume. Et, surtout, de ne pas craindre d’être différents. Car, il n’y a pas de mal à être différents, surtout quand on aime comme Dieu.
Voilà vraiment ce que je nous souhaite.