En ce milieu de mars 2019, au Québec, il est de bon ton de « râler » contre un hiver « trop long ». Les gens se disent fatigués, « à bout », « écœurés ». Dans un sens, je comprends : la population vieillissant, il est plus difficile de supporter le froid et l’humidité, surtout dans la plaine du fleuve St-Laurent. Et pourtant, je crois que ce n’est qu’une question de perspective.
Enfant et adolescent, j’étais toujours dehors. Après l’école, en arrivant à la maison, il était « obligatoire » de jouer dehors. Il fallait « lâcher son fou », dépenser de l’énergie, bouger. Comme tout le monde, j’ai fait cela. En été, ça voulait dire jouer au hockey dans la rue, jouer au baseball dans le parc, faire du vélo, etc. L’hiver arrivé, ça voulait dire « faire des forts » de neige, ou jouer au hockey dans la rue (en fait, c’est 4 saisons, cela). Plus tard, adolescent, j’ai commencé à faire du ski alpin. Tous les samedis d’hiver, je prenais l’autobus et je skiais sans m’arrêter, pas même pour manger. Et j’ai skié dans toutes les conditions : très froid, très doux, beaucoup ou peu de neige.
Et l’hiver, au collège secondaire où j’étais pensionnaire, nous faisions du sport tous les soirs après le souper. Soccer à l’automne (aussi sous la pluie), handball avant l’arrivée de la neige (novembre-décembre), et hockey après les fêtes. Les soirées particulièrement froides étaient parfaites pour arroser les patinoires. C’est là que je me retrouvais avec M. Bilodeau et un autre étudiant, à arroser abondamment, pendant que « ça gelait vite ». Nous avions le temps de faire deux ou trois passages. Fourbu, j’allais me coucher vers 22 :00.
La fin de l’hiver et le printemps, encore marqués par la neige, formaient la plus belle saison de toutes pour les sports d’hiver. Nous pouvions jouer au hockey « sans tuque », quand il faisait moins 3-4. Et nous ne pouvions attendre les samedis pour aller « faire du ski de printemps », ce ski absolument fabuleux où nous pouvions dévaler les pentes sous un soleil radieux, sur des pentes encore enneigées, alors qu’ailleurs il n’y avait plus de neige. Et je me rappelle m’être assis sur des chaises, à l’extérieur, avec mon chocolat chaud. Mon ami Pierre, lui, prenait le réflecteur pour se faire « bronzer sous le menton ». Nous revenions de nos journées avec le visage rouge — et bientôt basané —, typique du ski de printemps. Cette période était aussi le « temps des sucres » : les cabanes commençaient à produire du sirop d’érable. Encore, que de beaux souvenirs…
Jeune adulte, pendant quelques années, j’ai vécu dans l’Arctique canadien. Le printemps arrive, mais ce n’est pas le même que « dans le Sud ». Évidemment, là-bas, la neige reste jusqu’à la fin de juin, mais il existe quand même un printemps arctique. Les journées n’en finissent plus, car à partir de la fin mai, il n’y a plus de nuit; la température se réchauffe rapidement. Pour la population du Nord, des moins 10-15, c’est le bonheur! Les familles s’organisent et se rendent dans les camps de pêche. J’ai passé les plus belles journées de mon séjour là-haut en étant sur la glace, par un soleil éblouissant, à pêcher et rigoler avec les familles Inuit du village.
Quand j’entends la société québécoise se plaindre et se plaindre encore sur un hiver normal (le mois de mars est encore l’hiver !) ou plus neigeux « que d’habitude » (alors que les hivers précédents ont aussi eu leurs tempêtes tardives), je ne peux pas m’empêcher de dire intérieurement que tout est une question de perspective. C’est vrai, j’aime l’hiver — comme chacune des saisons du Québec—, et je reste convaincu que la plainte constante qui s’élève contre l’hiver profite principalement à la météo-spectacle et à l’industrie des voyages dans le Sud. C’est le signe que notre population vieillit et que notre jeunesse passe plus de temps devant son téléphone ou ses jeux vidéo. Dans un pays nordique comme le nôtre, il y a certainement moyen de vivre en personne réconciliée avec son environnement. En fait, pour celui qui accepte, sereinement, qu’il habite dans le Nord d’un continent, je crois même qu’il est possible d’être pleinement heureux… — oui, oui! — dans notre beau pays !