4 octobre 2021
Mon cher frère François,
Tu aurais dit : « Commençons, mes frères, à servir Dieu. Commençons car jusqu’ici, nous avons à peine ou très peu fait de progrès. » Ces courtes phrases ont habité mon esprit, mon cœur et même mon âme ces dernières semaines. Tu as prononcé ces mots à l’approche de ta mort, remettant tes frères en question. Aujourd’hui, quelque huit siècles plus tard, me voilà habité par tes paroles, écoutant ta sagesse; et tes mots me remettent en question.
Commençons à servir Dieu. Oui, faisons-le ici et maintenant, en ces temps et en ces lieux. François, c’est difficile à faire en ces temps et en ces lieux. Notre monde est tellement sens dessus dessous ces derniers temps, et je ne suis pas certain d’avoir les bons mots ou de savoir trouver les bonnes actions pour servir Dieu. Je sais que je dois continuellement arriver à voir Dieu dans mes sœurs, mes frères et dans toute la création. Mais cela doit être plus que simplement voir, cela doit impliquer des actions. Je sens que mes paroles sont faibles et que mes actions sont insuffisantes. Comment puis-je servir Dieu? Je me pose cette question, car tes paroles à tes frères, « nous avons à peine ou très peu fait de progrès », comportent une vérité à laquelle je réfléchis.
Notre sœur, la Terre Mère, lance un cri de douleur, et je ne sais pas comment y répondre. Je veux agir pour participer à sa guérison. Je souhaite à nouveau simplifier ma vie, afin de rechercher la beauté qu’elle m’offre chaque jour comme moyen d’entrer en relation avec Dieu. Je sens que si je peux l’honorer, je verrai effectivement des manifestations de la présence du divin et, en retour, je servirai Dieu. Mes progrès ici ont été trop lents. Je m’inspire de ta sagesse pour voir tout ce qui compose la création comme étant nos sœurs et nos frères. Comment as-tu réussi? Comment as-tu pu reconnaître leur nature divine au-delà de leur matière temporelle? Je ne suis pas un scientifique, et je sais que tu ne l’étais pas, alors cela doit vouloir dire que tu te laissais guider par l’émerveillement et l’admiration. François, mon frère, parle-moi encore de l’émerveillement et de l’admiration dans lesquels tu as vécu, pour que je puisse courageusement recommencer à servir Dieu en vivant en harmonie avec la création.
L’Église est à la croisée des chemins, et il semble que le mot progrès fasse frémir ses membres d’incertitude et de frustration. Nous, le peuple de Dieu appelé à être le corps du Christ, semblons nous enliser dans des détails inutiles où nous choisissons la division plutôt que l’unité. Je me sens parfois pris au piège, comme si je marchais sur la corde raide, ne sachant pas comment réagir. Je désire être un défenseur de ceux et celles qui se sentent séparés et exclus de la beauté de cette communauté. Mon cœur se brise devant les personnes qui ont été laissées pour compte ou blessées par l’Église. Je pense que nous ne pourrons avancer que si, en nous écoutant les uns les autres, nous reconnaissons la douleur des autres, afin de renforcer les liens de l’humanité. François, mon frère, parle-moi encore de la façon dont tu as remis l’Église en question avec ta simplicité et ton désir que les gens rencontrent l’amour de Dieu, pour que je puisse courageusement recommencer à servir Dieu comme témoin d’espérance dans l’Église.
Puis il y a les nombreuses relations que nous vivons, tous ces gens que nous rencontrons. Comme pour toi, ce qui a commencé comme un petit groupe de frères a grandi, les relations ont changé et ont été mises à l’épreuve, c’est ce que je trouve aussi dans mes relations. Il semble que ces derniers mois, j’ai dû évaluer mes relations, revoir comment je me situe dans ces relations, examiner ce dont elles ont besoin ou ce qu’elles signifient. Cela me rappelle que, d’une certaine manière, je dois recommencer à chaque rencontre, car nous grandissons, changeons et cherchons constamment. François, mon frère, raconte-moi encore comment tu as été présent pour tes frères et pour ceux et celles qui se trouvaient au-delà du cercle de tes frères. Redis-moi comment tu as été présent pour les lépreux et les pauvres, afin que je puisse courageusement recommencer à servir Dieu dans les relations de ma vie quotidienne.
Enfin, cher frère François, je réfléchis à cette vocation dans laquelle je continue à cheminer et à grandir. Le monde qui m’entoure, en perpétuel changement, me rend plus sensible à l’authenticité qu’exige ma vocation. Être présent pour les gens, en leur rappelant l’amour profond et la miséricorde de Dieu. Écouter attentivement la façon dont Dieu parle à mon cœur. Bien écouter comment Dieu parle dans le cœur des autres. M’attaquer continuellement au faux pouvoir que j’essaie de détenir, afin de pouvoir être librement qui je suis devant Dieu. Voilà l’authenticité exigée par mes vœux. Être un frère religieux en ces temps difficiles peut parfois me donner l’impression d’être déconnecté; dans ces moments-là, je peux entendre ta voix qui me chuchote : « Il est temps de recommencer. » François, mon frère, parle-moi encore de recommencer et de faire des progrès, car je crois que je commence à comprendre que cela a plus à voir avec mon cœur qu’avec autre chose. Il est temps pour moi de recommencer courageusement. Je choisis de le faire en sachant que je t’ai comme compagnon et que tu marches avec moi dans les pas du Christ.
Paix, mon frère. Que la paix et la bonté nous bénissent tous. Bonne fête!
Ton frère,
Michael
(Image credit: Apoteosis del glorioso Patriarca San Francisco de Asís, by José Benlliure y Gil)