Robert Mokry avait déjà visité le Maroc. C’était bien avant de devenir franciscain mais déjà, ce premier voyage avait marqué un point tournant dans sa vie. À tel point que ça l’a amené à examiner de plus près sa propre foi catholique. Ce questionnement et ce discernement l’ont guidé vers la décision de rejoindre les franciscains.
Quand on pense à un frère franciscain en mission, on ne l’imagine pas d’emblée dans un pays musulman. En 8 ans de mission, le père
Mokry a vécu dans 3 différentes communautés franciscaines et à sa grande surprise, ce pays comptait un nombre significatif de Chrétiens. Le Maroc permet aux étrangers de pratiquer librement leur religion, en autant qu’ils ne s’adonnent pas au prosélytisme.
Concrètement, qu’est-ce qu’un prêtre franciscain, en mission au Maroc, fait comme travail ?
S’en remettre à Dieu
« En voyageant à travers le Maroc, j’ai été frappé par ces gens qui avait simplement foi et confiance en la miséricorde de Dieu pouvant les aider à supporter une pauvreté sans issue et leur fournir un but dans la vie ».
Cette façon de voir et de comprendre Dieu l’a fasciné.
Le lâcher-prise, la confiance et la foi inébranlable en un Dieu bon lui ont permis de s’interroger sur sa propre foi et de l’approfondir.
C’est après plusieurs années de vie franciscaine et après que son ordre religieux eut appelé les frères à partir en mission au Maroc que cet appel a commencé à se faire entendre et à résonner dans son cœur et son esprit. Si bien que, durant une année sabbatique, il a habité avec des franciscains en mission au Maroc pendant un moment. Cette nouvelle expérience l’a conduit à un discernement limpide. C’était clair pour lui que c’est Dieu qui l’appelait.
Se concentrer sur les similitudes
Entre le Canada et le Maroc, il y a tout un monde. Bien sûr, les différences sont nombreuses et marquées : la religion, les coutumes, la langue, la végétation, etc.
Cependant, le frère Mokry préfère voir les similitudes plutôt que les différences. « Il y a possibilité, à travers le dialogue d’une vie commune, de montrer notre foi dans le même Dieu unique et, pour les chrétiens, de faire connaître la grandeur de l’amour salvifique du Christ pour tous. »
L’objectif d’un missionnaire chrétien en pays musulman n’est certainement pas de convertir. Plutôt d’accompagner les Chrétiens présents sur place tout en faisant tout ce qui est en leur pouvoir pour combler les besoins des démunis.
« Mon ministère était principalement auprès des communautés catholiques venues de France et de d’autres pays européens, auprès des étudiants sub-sahariens et de plusieurs Chrétiens et migrants musulmans. Essentiellement, ce n’était pas très différents de nos paroisses nord-américaines. »
Surmonter les difficultés
Par la diversité des rencontres et le large spectre des expériences vécues, on devine la vie d’un missionnaire très enrichissante.
« Mon expérience de mission était gratifiante pour plusieurs raisons. J’avais la possibilité d’interagir avec des hommes et des femmes d’une autre foi religieuse, amicalement et de m’enrichir d’autres expériences, tout en ayant la possibilité de participer à la vie franciscaine avec des frères de différents pays et de différentes cultures. »
Bien qu’elle soit merveilleuse, l’expérience missionnaire au quotidien n’est pourtant pas de tout repos : adaptation constante, isolement, abstraction des préjugés, acceptation de la perte de contrôle, vagues d’émotions, épuisement physique et moral, etc. Pourtant, c’est ce qu’un missionnaire doit être prêt à vaincre ou maîtriser. Néanmoins, c’est ce lot d’embuches et un mélange de toutes ces expériences qui l’ont le plus rapproché de sa foi et de sa communauté.
« C’est l’entièreté de toutes ces expériences, spécialement celles parmi mes frères et soeurs musulmans qui m’ont amené à voir l’amour et les actions de Dieu que je n’avais pas considéré préalablement et à prier différemment et à redécouvrir la joie de mon engagement franciscain. »
Travail concret
Selon les communautés, les besoins des catholiques s’avèrent bien différents. Les franciscains en mission au Maroc s’adaptent à leurs frères et leurs sœurs. Lorsque le frère Robert était en poste au Maroc, son travail l’a amené dans trois communautés franciscaines situées dans trois villes aux caractéristiques bien distinctes : Meknès, Rabat et Marrakech.
À Meknès, les frères travaillaient avec des marocains de tous âges. « Nous, les Franciscains, nous vivions dans la médina (vieille ville) et nous opérions un service d’école mobile, avec l’aide de bénévoles marocains, offrant une instruction en différentes langues européennes et des cours d’informatique. » Les frères se rendaient dans des petites communautés en région, spécialement dans les zones rurales où les Petites sœurs de Charles de Foucauld maintenaient une présence à l’église et servaient la population locale.
« Dans la ville de Rabat, plus grande et plus cosmopolite, l’église franciscaine offrait des célébrations le dimanche en anglais et en espagnol ainsi qu’une messe quotidienne en français à la chapelle. Nous nous occupions aussi des migrants démunis en essayant de les aider à se sortir de l’oppression. »
À Marrakech, ville hautement touristique, la situation et le travail étaient bien différents. Une grande église accueillait une congrégation permanente d’Européens. Des étudiants africains de talent s’occupaient de l’animation musicale lors des liturgies du dimanche, ce qui attirait de nombreux touristes.
« Régulièrement, nous traversions les montagnes du Haut Atlas pour célébrer la messe et être avec la petite communauté Catholique de Ouarzazate, là où les Soeurs franciscaines de Marie oeuvraient à l’église. »
En plus, ils étaient impliqués à l’aumônerie de la prison, dans l’aide aux migrants et donnaient un coup de main à l’organisme Caritas dans l’aide qu’il apporte aux femmes marocaines en situation de pauvreté.
De retour au pays
En février 2016, on lui demande de rentrer au Canada pour assister au Chapitre provincial de sa province franciscaine Christ the King, située dans l’Ouest Canadien. À ce moment, il est élu Ministre provincial de sa province franciscaine pour un court mandat, jusqu’à la création de la province pancanadienne Saint-Esprit, en 2018.
Cette nouvelle province pleine d’espoir se porte bien et s’adapte aux réalités de 2020. Certains frères de l’ancienne province de l’est du Canada servent actuellement dans l’ouest et vice versa. Les jeunes frères assument de plus en plus de responsabilités de direction. Beaucoup d’efforts sont déployés pour aller à la découverte de nouvelles vocations. Régulièrement, la province accueille des frères de l’étranger venus servir l’Église canadienne.
Depuis la formation de la province Saint-Esprit, le frère Mokry occupe les tâches de vicaire provincial, de gardien de la fraternité d’Edmonton, de directeur des profès temporaires et de directeur du Commissariat de Terre Sainte, tâche pour laquelle il doit se rendre à Ottawa une semaine par mois.
Tout en souhaitant diminuer ses tâches avec le temps, il est prêt à servir, là où on aura besoin de lui.
Si l’appel se fait sentir, il sera toujours prêt à déplacer des montagnes, du Haut Atlas ou d’ailleurs, pour les chrétiens du monde.
Julie-Isabelle Baribeau