Entrevue avec Pierre Ducharme, OFM pour OFM.org
Original (anglais) : https://ofm.org/en/parish-priests-for-the-synod.html
Comment la réunion s’est-elle déroulée ? Une brève description des participants, des contextes d’origine des participants, de la méthode de dialogue.
L’événement s’intitulait « Prêtres de paroisse pour le Synode ». Il est né d’un appel lancé dans le Rapport de synthèse de l’Assemblée synodale d’octobre dernier, qui demandait qu’entre les deux Assemblées du Synode en cours, la voix des prêtres de paroisse soit entendue. Au Vatican, la Secrétairerie générale du Synode et le Dicastère pour le Clergé ont donc organisé un événement pour les prêtres du monde entier. Il a été demandé à chaque conférence épiscopale de choisir un certain nombre de prêtres pour y participer. Le plan initial prévoyait 300 prêtres, cependant certains prêtres de différents pays ayant eu des problèmes de visa, 193 prêtres ont pu y participer. J’ai été envoyé, avec deux prêtres diocésains du Canada, en tant que représentant canadien. J’étais le seul curé franciscain à participer à cet événement.
La méthodologie de la rencontre était basée sur le modèle des « conversations dans l’Esprit » du Synode sur la synodalité. Nous avons été divisés en groupes de onze personnes plus un facilitateur. Bien que ma langue maternelle soit l’anglais, j’ai été placé dans un groupe de langue française. Les groupes étaient diversifiés et comprenaient des prêtres du monde entier.
Pour commencer, nous avons écouté des présentations théologiques sur le concept de synodalité, puis nous en avons discuté. Les questions à débattre avaient été fournies deux semaines avant la rencontre et portaient sur notre expérience personnelle de la synodalité dans la vie de l’Église et, en particulier, au sein de nos paroisses. Nous avons partagé sur notre compréhension de la synodalité, sur notre expérience de accompagner une diversité de charismes, de vocations et de ministères, et sur comment nous voyons la synodalité comme soutien aux structures ecclésiales locales. Pendant ce temps, des « experts » synodaux nous ont encouragés à approfondir nos réflexions. Ainsi, bien que je sois arrivé avec quelques réponses préparées, celles-ci se sont avérées inutiles, car il est apparu clairement que je devais écouter avant de parler.
Quelles ont été vos impressions ?
Je suis arrivé comme quelqu’un qui était déjà passionné par la synodalité. Maintenant que j’ai été envoyé, je suis toujours passionné par la synodalité.
Je pense que tout s’est bien passé. À la fin de la réunion, le Cardinal Grech a fait remarquer que nous avons vu comment la synodalité nous touche dans notre chair. Cela peut paraître étrange, mais nous savions tous ce qu’il voulait dire. La rencontre, très fraternelle, ne s’est pas terminée sans une réelle émotion. Elle ne s’est pas achevée sans que l’on se rende compte que si nous partageons tous la même foi, nous ne partageons pas tous les mêmes sensibilités. Une Église synodale est honnête sur les tensions qui existent en son sein, et à partir de là, elle commence à guérir.
Que pensez-vous du travail synodal entrepris par l’Eglise universelle ?
Suite à cette expérience, je suis plus que jamais convaincu que la notion de conversations spirituelles et la méthodologie synodale des « conversations dans l’Esprit » sont la voie à suivre. Il y a tant de potentiel inexploité sur le point d’être réalisé. Dans un avenir pas si lointain, je vois les églises locales, et bien sûr les communautés religieuses, continuer à « repousser les limites », comme nous le disons en anglais, vers des moyens nouveaux et créatifs de rassembler les gens pour le discernement. La synodalité ne consiste pas à décider, mais à discerner. Ainsi, pour nous assurer que nos décisions sont prises avec l’Esprit, nous devons rester sur le chemin avec Jésus.
Sur la route d’Emmaüs, Jésus ne s’est pas arrêté pour donner des conseils. Il n’a fait que poser des questions. Et ensuite, son salut s’est révélé à la fraction du pain. Il y a beaucoup à tirer de cette expérience.
Je dois mentionner qu’immédiatement après la réunion, j’ai rencontré notre Ministre Général, le frère Massimo Fusarelli. Nous avons discuté du processus synodal qui se déroule au sein de l’Ordre et il m’a rappelé que la présence des laïcs dans notre discernement franciscain est ce qui compte le plus. C’est un exemple de la nature contagieuse du discernement synodal. Il conduit à des moyens créatifs pour le multiplier.
Il y a quelques années, il aurait été inimaginable que des laïcs soient invités à un Chapitre o.f.m. Aujourd’hui, nous demandons que les laïcs y soient invités. Je considère cela comme un pas très positif dans la direction de l’Évangile.
Quels sont les éléments franciscains qui, à votre avis, peuvent aider l’Église dans son cheminement vers l’avenir ?
Le père Thomas Halik, théologien de la République tchèque, décrit la synodalité comme l’humilité. Pour moi, c’est la prière de saint François qui décrit le mieux la disposition synodale. Car être synodal, c’est avoir une attitude de réceptivité. Cela signifie que je suis prêt à apprendre, je suis prêt à changer, je suis prêt à écouter et à suivre.
Nous, franciscains, sommes issus d’une tradition synodale. Saint François et notre Ordre ont été inspirés par les Actes des Apôtres, qui sont les textes qui modèlent la synodalité pour l’Église universelle. Au chapitre 4 des Actes, alors que nous voyons les gens confier tous leurs biens à l’Église pour la mission partagée des disciples, je me demande si une telle confiance dans les évêques ne pourrait jamais être rétablie. En tant que frères mineurs, nous confions nos vies à l’Ordre et à Dieu. Nous sommes convaincus que l’Ordre et Dieu nous permettront de vivre sans souci, sine proprio, parce que nous osons faire confiance. C’est cela, la synodalité.
L’ecclésiologie franciscaine reflète également les descriptions faites par Saint Paul d’une communauté inclusive, diverse et charismatique. C’est l’Église synodale. C’est aussi l’Ordre franciscain. Nous célébrons notre diversité dans l’unité, et ce, depuis toujours. L’Église peut
apprendre cela de nous, mais aussi de notre tradition de prise de décision en tant que communauté. Encore une fois, la synodalité est plus une question de discernement que de décision, et c’est de cette manière que nous, franciscains, pouvons aussi mûrir. Mais l’inclusion, la diversité et le don sont des choses que nous valorisons déjà.
Enfin, je voudrais ajouter que tout cela est fondé, pour moi, sur l’option préférentielle pour les pauvres. La pauvreté a de nombreuses formes, mais ce sont toujours ces voix les plus douces (qui sont parfois des cris de douleur) que nous voulons entendre. Cette idée est très franciscaine, et je dirais même que le Synode doit s’y appuyer beaucoup plus qu’il ne le fait déjà.
Avez-vous participé à l’audience avec le pape ? Pouvez-vous décrire brièvement comment cela s’est passé ?
La rencontre avec le pape était très attendue – j’ai eu du mal à dormir la nuit précédente. Finalement, je me suis rendu compte qu’il n’était qu’un disciple de Jésus comme moi. C’est néanmoins un très bon disciple.
Nous sommes arrivés en bus au Vatican et nous nous sommes installés dans la « nouvelle salle du Synode ». J’étais près de l’avant. Il est arrivé pour répondre aux questions de sept prêtres. Les prêtres qui posaient les questions avaient été identifiés à l’avance. Je ne faisais pas partie de ces élus.
Le Pape François a parlé comme un bon pasteur. Il a parlé de la guerre, de la mondanité et du mal des commérages. Il a parlé des communautés paroissiales et de la nécessité de faire de la place aux personnes marginalisées, aux divorcés et aux remariés, aux homosexuels. D’une certaine manière, il a parlé de choses dont beaucoup de prêtres n’osent pas parler. À la suite des conversations que j’avais eues, j’ai été particulièrement reconnaissant au Saint-Père pour ce qu’il nous a dit. Il pousse constamment l’Église vers l’Évangile.
Finalement, le Pape François nous a tous chargés d’être des missionnaires de la synodalité. Nous avons été envoyés pour rapporter notre expérience chez nous afin de la partager avec d’autres. Ensuite, en fauteuil roulant il a remonté l’allée centrale pour que chacun ait pu le saluer : une conclusion parfaite de cette expérience synodale.