Pourquoi le concile Vatican II a-t-il eu lieu? À première vue, l’Église catholique au Canada semblait être en bonne condition. Sur le plan de la structure, les titulaires des fonctions ecclésiastiques connaissaient bien leur place; les niveaux d’autorité ainsi que l’obéissance et le respect auxquels l’autorité s’attendait étaient bien définis. La participation à la messe était élevée – dans les 60 % supérieurs –, et de nombreuses paroisses connaissaient une vie de dévotion fervente. Les vocations au sacerdoce ministériel et à la vie religieuse étaient nombreuses. La plupart des catholiques pensaient que l’Église qu’ils connaissaient avait toujours été ainsi – ils n’étaient pas habitués au changement.
Pourtant, le nouveau pape, saint Jean XXIII, était convaincu que des transformations s’imposaient. Même si le pape jovial donnait l’impression d’être un « papa » italien naïf, il n’en était rien. Diplomate chevronné du Vatican et historien de l’Église, il était bien placé pour juger de la situation de l’Église dans le monde moderne. Dans son discours d’ouverture du Concile, il a clairement indiqué qu’il jugeait la direction de l’Église trop défensive, voire négative, à l’égard de ce monde, affirmant qu’il était temps que l’Église soit « mise à jour ». Le pape Jean était convaincu qu’en raison de la présence constante de l’Esprit Saint il était temps pour l’Église de se rajeunir. Voilà probablement la meilleure façon de comprendre son désir de moderniser l’Église.
Si une institution craint indûment l’influence de ceux qui se trouvent en dehors de ses frontières, cela conduit à accorder une importance excessive à la structure et à la centralisation de l’autorité. Elle cherche ainsi à protéger l’identité et les objectifs de ses membres de l’influence négative de l’extérieur. Cela permet d’expliquer les niveaux d’autorité clairement définis dans l’Église d’avant Vatican II, ainsi que l’exercice très centralisé de l’autorité ecclésiale. La Curie romaine exerçait une grande partie de l’autorité qui était du ressort des évêques locaux. L’Église semblait être non seulement une « pyramide » dans sa structure, avec toute l’autorité reposant à Rome, mais aussi une forteresse – afin de protéger ses membres du monde moderne.
Non pas que l’Église n’ait pas eu de bonnes raisons de se méfier de ce monde. Dès le XVIe siècle, elle s’était considérée comme un rempart de la vérité, se défendant contre les menaces de la Réforme, des Lumières, de la Révolution française, etc. Bien que le mouvement vers la modernité n’ait pas été – de toute évidence – entièrement négatif, le gouffre entre l’Église et le monde moderne paraissait, au début du XXe siècle, presque infranchissable.
Rien n’illustre mieux cet état de fait que la crise moderniste. Au sens large du terme, un « moderniste » pouvait être tout catholique doué de raison qui s’intéressait à la science moderne, à la philosophie, etc. Un moderniste non orthodoxe considérait les doctrines, les structures et le culte de l’Église comme de simples expressions d’un « sentiment » religieux; ils pouvaient changer en fonction des différentes cultures, des événements de l’histoire, et des pensées et des goûts subjectifs. La croisade de l’Église pour éradiquer le modernisme a accentué la centralisation, le légalisme et la peur des idées « modernes » dans l’Église jusqu’à Vatican II, et même pendant le Concile.
Entre-temps, le pape Pie XII a cherché à rendre l’Église plus consciente de sa nature plus authentique, dans trois encycliques : Divino Afflante Spiritu encourageait les méthodes historiques modernes dans l’interprétation des Écritures; Mystici Corporis présentait une vision plus spirituelle de l’Église; et Mediator Dei invitait au renouvellement de la vie liturgique de l’Église.
Au même moment, plus tôt en fait, les théologiens revenaient aux sources de la foi – l’Écriture, les Pères de l’Église, la liturgie – afin de conduire les fidèles à une vision de leur foi qui serait plus facilement intériorisée et mieux intégrée dans leur vie. Ils étaient convaincus que trop de catholiques souffraient d’« extrinsécisme », c’est-à-dire d’une foi trop déterminée par des vérités et des lois abstraites qu’ils avaient de la difficulté à comprendre et à vivre. La théologie « scolastique » enseignée dans les séminaires d’avant Vatican II, qui se répercutait dans la vie pastorale de l’Église, a peut-être protégé certaines personnes des périls des hérésies modernistes… sans toutefois enrichir la foi des laïcs ni préparer ces derniers à la Bonne Nouvelle qu’ils avaient été, par leur baptême, chargés de faire connaître au monde. Les théologiens de « retour aux sources » étaient responsables de la plupart des contenus des documents du Concile. Ils étaient parfaitement conscients de la nécessité d’une foi plus profonde et renouvelée – plus centrée sur le Christ et la Trinité, à la fois plus personnelle et communautaire par sa nature, et plus empathique et responsable envers « l’autre ». Chaque document de Vatican II reflète cette double intention d’une foi renouvelée, plus proche du Christ, et d’un renouvellement du sens de la mission de l’Église dans le monde.
Don MacDonald, OFM
(Cet article a été initialement publié dans Celebrate!, hiver 2012. Il a été révisé et mis à jour en septembre 2021.)
(Photo by Lothar Wolleh, The Council Fathers seated during the Second Vatican Council, licensed under a Creative Commons Attribution-ShareAlike 3.0 Unported License.)