Voir la vie comme un voyage
Il n’y a pas de doute, le frère Paul Seo est un introverti. Il est discret. Il parle doucement. Son regard semble analyser systématiquement tout ce qu’il voit. Bien qu’il s’exprime dans un français impeccable, il a comme langue maternelle le coréen.
Son arrivée au Canada a été, selon ses dires, « un grand choc ».
Ordonné prêtre en Corée du Sud en 2011, il est membre de l’Ordre des frères mineurs depuis 2001.
Lorsque ses supérieurs lui ont demandé de devenir missionnaire au Canada, il a accueilli la nouvelle avec joie. Il a su qu’il avait alors l’occasion de rendre un peu de ce que les missionnaires canadiens avaient donné pour la Corée, en étant pionniers de la présence franciscaine dans ce pays, à partir de 1949. Marqué par l’esprit de sacrifices des missionnaires canadiens de l’époque, il était très heureux de cet envoi missionnaire au Canada.
Au-delà de l’appel, il y a la vocation. Il a toujours su qu’il voulait être franciscain. « Je porte une vocation très forte sur la base de notre histoire (commune). »
Apprendre la langue de Molière
Bien qu’il ne s’attendait pas à devoir apprendre le français en arrivant au Québec en avril 2013, il s’est mis à la tâche avec sérieux et enthousiasme. Il s’est empressé de prendre des cours intensifs. Pendant six mois, il s’est rendu en classe de façon assidue. Il a travaillé fort. Ironiquement, ses professeurs étaient originaires de France. Ils avaient donc un accent fort différent de l’accent québécois, celui qu’il entendait dans sa vie quotidienne. Ce détail n’était pas un problème insurmontable mais un défi supplémentaire. Il a habité à Montréal pendant 1 an et demi où il a appris à composer avec diverses expressions colorées.
Son arrivée au Québec lui a fait découvrir une population qu’il apprécie. Il en dit beaucoup de bien d’ailleurs. « Je trouve les gens d’ici joyeux, généreux, accueillants et ouverts d’esprit. » Il ajoute « J’aime leur capacité d’émerveillement ».
L’hiver à Lachute
Après ses cours de français à Montréal, il s’est vu affecté à la maison franciscaine de Lachute. Bien que la transition entre Montréal et cette petite ville d’environ 2000 habitants lui ait été difficile, il s’est intégré en s’impliquant auprès de la population, apprenant à mieux la connaître. Il a trouvé l’endroit quelque peu « exotique », étonnamment. Il avoue bien honnêtement que la langue a représenté là aussi un défi colossal. L’hiver aussi…
En quête de sens
Après 2 ans et demi à la maison de Lachute, il a été nommé à la maison de Trois-Rivières. Fortement touché par les conférences de Jean Vanier qu’il a presque toutes visionnées grâce à Internet, il est devenu bénévole à l’Arche de Trois-Rivières. Celle-ci accueille les gens marginalisés ou vulnérables. Il voit dans l’oeuvre de Jean Vanier de grandes ressemblances avec la spiritualité franciscaine. Il voit le Christ dans les personnes vulnérables. À l’Arche, il donne un petit coup de mains, tantôt pour les ateliers de dessin et de bricolage, tantôt pour faire la vaisselle ou l’entretien des lieux.
Constamment en quête, le frère Paul a suivi la formation de maître des postulants au Centre Le Pèlerin dans le but de mieux comprendre l’être humain et ses besoins. « J’ai beaucoup appris. Ça m’a fait saisir le sens de notre existence». Il a gardé contact avec le réseau du Pèlerin et agi en tant que président d’assemblée pour des groupes de partage, chaque mois.
La nourriture a aussi été un grand changement. De ce côté, il avoue qu’il a fait de belles découvertes quant aux aliments que l’on trouve de ce côté-ci du globe. Il connaissait déjà un peu la nourriture occidentale comme la pizza ou nord-américaine comme le hamburger. Il a découvert ici quelque chose qu’il a tout de suite adopté: le pain blanc tranché. Celui vendu dans un sac de plastique. Le sirop d’érable a lui aussi suscité chez lui un vif intérêt. Le café filtre fait visiblement son bonheur. « Il est plus frais que celui que l’on trouve en Corée. »
« Je vis en pèlerin, comme un itinérant. » Il marche beaucoup d’ailleurs, comme le font les pèlerins. « J’ai besoin d’au moins une heure de marche par jour, lorsque c’est possible. Ça équilibre le corps et l’esprit. » Il s’adonne également à la méditation chrétienne qu’il a connue par son confrère de Trois-Rivières, le frère Michel Boyer.
Après une heure de conversation, son café filtre est terminé depuis longtemps. L’entrevue aussi. « Je pense que j’ai tout dit. » Pourtant, il ajoute « On ne peut pas tout prévoir. La vie est un voyage qui nous fait grandir. »
Julie-Isabelle Baribeau