Pierre Ducharme, OFM
Joyeux Noël ! Ces mots évoquent une histoire merveilleuse, tragique et héroïque. C’est l’histoire de la naissance d’un leader, d’une autorité infaillible, profondément humble, miséricordieux, qui a une vision universelle de sa mission. Entre rejet et salut, des opposés en tension constante, il œuvre pour la gloire de Dieu et la justice pour les pauvres. Noël, en définitive, est Bonne Nouvelle.
Noël raconte une histoire qui touche les cœurs. Joseph et Marie, avec leur enfant à naître, tentent d’échapper au massacre planifié par Hérode. Mais ils ne trouvent pas de place à l’auberge ni nulle part ailleurs. Jésus naît dehors, dans une mangeoire. Noël raconte l’histoire d’une Incarnation. Dieu devient humain dans un monde désormais si inhumain. La justice est enfin annoncée.
Noël serait une charmante histoire si tout cela n’était pas si réel. Ce que vit la famille de Jésus n’est pas pire que les épreuves de ces gens qui fuient ou subissent aujourd’hui la violence à Gaza, en Ukraine, en Afghanistan, en Érythrée, au Nicaragua, au Venezuela, au Myanmar et dans tant d’autres pays. Mais, Dieu soit loué, les réfugiés d’aujourd’hui sont accueillis dans des terres plus sûres. Mais est-ce vraiment le cas ?
Selon l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), seulement cinq pays (l’Iran, la Turquie, l’Allemagne, la Colombie et l’Ouganda) accueillent actuellement un tiers des réfugiés identifiés dans le monde. Le nombre de réfugiés accueillis en Amérique du Nord est tellement bas que son impact semble insignifiant.
Après la récente élection présidentielle américaine, dont le vainqueur a promis une expulsion record de réfugiés, le gouvernement canadien a annoncé la suspension temporaire de tous les parrainages privés de réfugiés jusqu’en 2026. Selon l’UNHCR, le Canada est le seul pays au monde à disposer d’un programme permanent de parrainage privé de réfugiés. Mis en place dans les années 1970 pour venir en aide aux « réfugiés de la mer » vietnamiens, ce programme canadien a accueilli un peu plus de 300 000 nouveaux arrivants en 45 ans. Grâce au soutien de particuliers, comme mes parents à l’époque, d’églises, d’organisations caritatives et de quelques franciscains dévoués, le Canada a pu accueillir et intégrer rapidement et efficacement de nombreuses familles de réfugiés. Combien de nos amis et voisins sont arrivés au Canada alors qu’ils étaient enfants, ont grandi et n’ont connu d’autre foyer que celui que leurs parents avaient trouvé pour eux ici ! La nation canadienne n’aurait en fait que peu de raisons de se distinguer, si ce n’était de son historique d’accueil des migrants – souvent par le biais de parrainages privés.
Alors, pourquoi fermer les frontières maintenant ? Peut-être pour les mêmes raisons qui ont poussé les habitants de Bethléem à garder leurs portes closes. Des peurs non fondées, engendrées par des histoires cruelles à propos de ceux et celles qui fuient. Ou peut-être parce qu’il est, comme toujours, beaucoup plus facile de fermer les portes que de les ouvrir. Récemment, une personne m’a affirmé que les immigrants seraient responsables de la crise des opioïdes et des problèmes de santé mentale qui sévissent actuellement au Canada. Or, tous les toxicomanes que je connais sont nés et ont grandi ici. Nombre d’entre eux ont été élevés dans des familles canadiennes aisées et bien établies. Les immigrants, quant à eux, remplissent les églises chaque semaine, insufflant à notre société désorientée et en quête de sens des habitudes constructives et un enthousiasme rafraîchissant qui fortifie les esprits et nourrit les âmes. Pour le bien de tous et de toutes, le Canada a besoin de l’immigration !
Ce qui menace le Canada, ce n’est pas le nouvel arrivant, mais notre cœur frileux et avare. Noël transforme les cœurs, à condition qu’on le laisse entrer. Le monde dans lequel le Christ est venu était froid et peu accueillant, mais notre Seigneur était rempli de courage et de détermination. L’anxiété qui sous-tend les politiques d’exclusion, et donc à courte vue, est sans fondement. Mais si Dieu a pu faire preuve d’autant d’audace, ces folies disparaîtront elles aussi. Le Réfugié pourra à nouveau être accueilli. Aujourd’hui, un Roi-Migrant courageux et généreux est né.