Les frères franciscains de Mount St. Francis, à Cochrane (Alberta), ont la fibre écologique très développée. Ils multiplient les actions en ce sens sur leur propriété de 500 acres bordée d’un côté par la forêt et s’ouvrant de l’autre côté sur les vastes prairies canadiennes, non loin des majestueuses montagnes rocheuses. Par sa vision du monde et ses actions, le frère Daniel Gurnick n’y fait pas exception.
Le frère Dan parle beaucoup. Bouge beaucoup. Rit beaucoup. On le devine hyper actif. Il marche rapidement d’ailleurs (tout en affichant une attitude désinvolte). Donnant l’impression de toujours savoir où il va.
Très expressif, il a toujours le sourire aux lèvres. Comme s’il savait quelque chose que les autres ne savent pas. À son contact, on sent rapidement une force et une grande confiance en demain qui l’habitent.
Comme il habite une région propice aux activités de plein air, celles-ci font définitivement partie de son quotidien pourtant déjà bien rempli. Marche, randonnée en forêt et vélo composent sa routine d’entraînement. De plus, la planche à neige s’ajoute à ses activités sportives en hiver.
Bouleversement
Ordonné prêtre en 2010, sa vocation n’est pas apparue très tôt dans sa vie. Originaire de Rocky Mountain House (Alberta), il accompagnait régulièrement sa famille à la messe lorsqu’il était enfant. Toutefois, il avoue candidement que ça ne l’intéressait pas beaucoup. Il n’appréciait pas davantage sa participation au camp de vacances catholique. Selon les recommandations de sa mère, gardienne de la foi dans sa famille, il se rendait à la messe et au camp quand même. Sa mère a toujours été de bon conseil. Il s’amuse d’ailleurs à dire que sa mère est pour lui une sorte de « pape personnel ». Dans son enfance, il participait à la vie de sa paroisse en servant parfois la messe. Ce qui lui plaisait, tout de même.
C’est alors qu’au début de la trentaine, l’homélie d’un prêtre est venue tout basculer. « Ça m’a profondément inspiré «. C’est à ce moment précis qu’il a su. « Le lendemain, j’ai dit à ma mère que j’avais senti l’appel de Dieu. » C’était en 2002. « J’ai commencé par faire des études avec le Diocèse d’Edmonton. À l’été, je suis allé visiter un orphelinat au Pérou avec un ami. À ce moment là, j’en ai appris davantage sur les franciscains, j’ai fait la rencontre de l’un d’eux et j’ai assisté à une messe à la mémoire d’un franciscain originaire du Canada qui y avait oeuvré pendant 36 ans. Après cette expérience, j’ai senti que Dieu m’appelait à la vie franciscaine ». Ce sont le voeu de pauvreté et la promesse d’une vie fraternelle qui l’ont d’abord attiré.
Conscience écologique
Très engagé sur le plan écologique à Mount St. Francis, le frère Dan se sent constamment interpellé par la sauvegarde de la Création. Certainement inspiré par l’environnement bucolique dans lequel il évolue, dont les fameuses montagnes rocheuses que l’on aperçoit depuis la maison de retraite par temps clair, il s’émerveille devant les splendeurs de la nature environnante. « Je crois que c’est important de respecter la Création pour le bien des générations à venir. »
Bien que sa vie de franciscain soit inspirée par les enseignements de François d’Assise, son intérêt pour la cause environnementale ne date pas d’hier. « J’avais un grand intérêt pour l’écologie bien avant de devenir franciscain. À l’adolescence, je travaillais au jardin familial, même si je croyais à cette époque faire un boulot d’esclave », blague-t-il. « Ensuite, une de mes amies m’a initié à la marche en montagne. C’est là que j’ai découvert toute la splendeur des merveilles créées par Dieu. Un peu plus tard, j’ai travaillé dans un centre de recyclage de la Rocky Waste Authority. »
Régulièrement, il contribue au reboisement en plantant de jeunes pousses d’arbres sur les terres des franciscains. Ne considérant plus le jardinage comme des travaux forcés, c’est avec joie et avec son entrain habituel qu’il s’y active le printemps venu. Accompagné par des bénévoles, il aime semer, sarcler et arroser la terre pour récolter les produits de l’immense potager situé non loin du centre de retraite. Le fruit des récoltes est judicieusement transformé par les cuisiniers de l’endroit afin de nourrir adéquatement les retraitants et les frères. Les surplus sont systématiquement envoyés aux organismes de charité de la région, tel que Feed the Hungry de Calgary, afin de ne rien gaspiller de ces précieux végétaux.
Le souci d’une gestion responsable des matières résiduelles a poussé les frères à se doter d’un système d’élimination des déchets bien particulier. Ils opèrent une machine destinée à réduire la quantité de détritus générés appliquant ainsi le principe de « zéro déchet ». Il s’agit d’une technologie appelée Egor (affectueusement appelé Frère Egor par les frères de Mount St. Francis) dont les déchets biodégradables et les matières organiques produits par le centre de retraite et son potager sont consumés à un niveau très élevé. Le résidu résultant de cette combustion se verra transformé en un potentiel biocarburant.
À pied d’oeuvre
Son dévouement à sa fraternité semble sans borne. Il y apporte son aide à la vie quotidienne en effectuant diverses tâches comme l’entretien du centre de retraite et de la fraternité. « Je n’ai jamais eu peur de me salir les mains ». Il retire une grande fierté du travail manuel qu’il a appris à aimer aux côtés de son père lorsqu’il était petit. Il avoue y trouver un certain équilibre par rapport à ce que sa vie de frère franciscain lui apporte.
Ses tâches au centre de retraite Mount St. Francis sont de nature variée. Il s’implique généreusement dans les retraites en prêchant ou en rencontrant des retraitants de manière individuelle. Il prépare soigneusement ses homélies. Bien que prenant très au sérieux son rôle de président d’assemblée, on devine rapidement qu’il aime bien blaguer. Son auditoire le lui rend bien d’ailleurs, rigolant de bon coeur avec lui dans la chapelle de Mount St. Francis. Il faut avouer que le frère Dan est un excellent conteur. Il gesticule beaucoup pendant son homélie, s’exprimant tout autant avec ses mains et ses bras.
Pour l’amour de Dieu
Bien qu’il semble de prime à bord toujours en mouvement, ce n’est vraisemblablement pas le cas. Cet écologiste dans l’âme sait aussi s’arrêter et prendre le temps. Contemplation et méditation sont au coeur de sa vie quotidienne. Il consacre personnellement au moins 30 minutes de sa journée à la prière sous différentes formes: rosaire, chants, méditation des écritures saintes, prière du coeur, etc.
Sa fonction de responsable de la pastorale des vocations pour la Province Saint-Esprit l’amène à côtoyer l’univers des adolescents et des jeunes adultes. Pendant l’année scolaire, il rend régulièrement visite aux élèves de certaines écoles secondaires de Cochrane et de Calgary. Il met d’ailleurs son talent et son intérêt pour la musique au service des jeunes. Il compose parfois des chansons dans ses temps libres. Il apporte sa guitare et chante avec eux. « J’aime les voir chanter avec passion les chansons que j’ai créées. J’aime accompagner les ados dans l’aventure de la foi ». Ces jeunes lui rappellent parfois sa propre jeunesse et le peu d’intérêt qu’il avait alors pour l’Église. Bien placé pour les comprendre, il tente de leur montrer que la pratique religieuse leur est accessible et s’intègre facilement à leur mode de vie. « Dieu n’est pas ennuyant ! Je souhaite, avec la grâce de Dieu, être un instrument pour aider les jeunes à se familiariser avec l’amour de Dieu et peut-être tomber en amour avec lui parce qu’avoir la foi produit un bien-être profond et une grande joie! »
Il fait aussi du ministère auprès d’une clientèle un peu plus âgée, dans quelques universités albertaines. « J’aime dialoguer avec les jeunes adultes que je rencontre. Leur façon d’aimer Dieu m’inspire. Ils méritent notre soutien, ils ont besoin de nos encouragements pour s’épanouir dans la foi. »
La vie du frère Dan semble tracée par une idée maitresse, un fil conducteur, l’amour que Dieu nous porte. À toutes les sphères de sa vie, on ressent son amour pour Dieu le Père. On retrouve cet amour dans les espoirs qu’il accorde à la jeune génération, dans sa sensibilité à la grande beauté de la nature, dans la protection qu’il accorde à l’écologie et dans la grande confiance qu’il porte en demain.
Julie-Isabelle Baribeau