Pendant longtemps l’autel de la Portioncule, à Assise, fut surmonté d’une image représentant l’Assomption de la sainte Vierge. Mais au commencement du 14e siècle, un élève de Giotto, a peint sur la muraille derrière l’autel, le Christ dans la gloire et Marie intercédant pour le peuple. Cette fresque fut bientôt noircie par la fumée des cierges. En 1393 on plaça au-devant d’elle une Annonciation peinte sur bois par le prêtre Hilaire de Viterbe. C’est ce tableau en bois qui est vénéré encore de nos jours dans la chapelle de la Portioncule.
On peut se demander pourquoi, vers la fin du 14e siècle, on a abandonné l’image de l’Assomption pour celle de l’Annonciation ? Il faut se rappeler que les Franciscains au Moyen-âge ont mis beaucoup d’efforts pour propager, dès l’origine, la prière de l’Angélus qui commémore le mystère de l’Annonciation. C’est l’époque où se répand la pratique des trois Ave Maria. On dit que saint Antoine de Padoue (1195-1231) la recommandait vivement. Saint Bonaventure, quant à lui, a introduit dans les couvents franciscains cette prière, pour saluer l’Incarnation du Fils de Dieu. On récitait les trois Ave, le soir après complies, en méditant sur ce mystère.
Une autre raison pour l’abandon de l’image de l’Assomption en faveur de celle de l’Annonciation est qu’au Moyen-âge la scène de l’Annonciation est l’un des thèmes les plus souvent peints dans l’iconographie chrétienne. C’est pourquoi Hilaire de Viterbe, lorsqu’il a voulu peindre l’Annonciation pour la chapelle de la Portioncule, n’avait pas à tout inventer. Il avait devant les yeux plusieurs modèles de peintures de cette scène. C’est ainsi qu’il s’est inspiré grandement de l’Annonciation de Simone Martini (1333) qui est un chef d’œuvre iconographique de l’art gothique.
Ce tableau du retable de l’autel de la Portioncule nous introduit par l’image au mystère de l’Annonciation. Marie, assise majestueusement sur un trône, tient dans sa main gauche le Livre des Écritures, tandis que l’ange Gabriel lui communique l’heureuse nouvelle qu’elle a été choisie par Dieu pour être la Mère de son Fils.
Surprise par l’apparition d’un être céleste, Marie apeurée recule en arrière et détourne légèrement les yeux. Son geste délicat et pourtant dramatique met en lumière son état émotionnel. L’évangile de Luc mentionne que Marie est grandement troublée lorsqu’elle entend les paroles de l’ange.
Tout le tableau est empreint d’une sérénité solennelle. Le lys blanc, symbole de pureté, exprime la virginité de Marie. La présence de la colombe signifie l’action du Saint-Esprit qui couvre la Vierge de son ombre.
Dans le coin supérieur gauche du tableau, il y a le Père éternel entouré de six séraphins. Il est en train de bénir de sa main droite l’humble servante du Seigneur.
Comment ne pas rappeler ici ce passage de la Lettre aux fidèles de François d’Assise évoquant le mystère de l’Annonciation : « Cette parole du Père, si digne, si sainte et si glorieuse, le Père très haut l’envoya du ciel par saint Gabriel, son ange, dans le ventre de la sainte et glorieuse Vierge Marie ; c’est de son ventre que la Parole reçut la vraie chair de notre humanité et fragilité. Lui qui était riche par-dessus tout, il voulut lui-même dans le monde, avec la très bienheureuse Vierge, sa mère, choisir la pauvreté ».
Georges Morin, ofm