À première vue, ce titre peut nous sembler hors propos. En effet, comment parler de racines franciscaines de la Fondation de Ville-Marie, alors que les Franciscains Récollets qui étaient venus sur cette île en 1615 et étaient demeurés en Nouvelle France jusqu’en 1629, n’étaient plus présents dans ce pays le jour de la fondation de Montréal. Ce n’est que cinquante ans plus tard, en 1692, qu’ils eurent un couvent à Montréal.
Un livre m’a beaucoup aidé à découvrir les racines franciscaines de la fondation de Ville-Marie, celui du Père Éphrem Longpré, ofm, « Le Tiers-Ordre Séculier de Saint François d’Assise au Canada », publié en 1921 à l’occasion du 7e Centenaire de la Fondation du Tiers-Ordre Franciscain. La lecture de ce livre m’a fait découvrir des éléments nouveaux sur certains des agents de la Colonie en France.

On y apprend que deux reines de France, Anne d’Autriche et Marie-Thérèse – épouses de Louis XIII et de Louis XIV, toutes deux tertiaires ou si l’on veut membres de l’Ordre Franciscain Séculier – ont été en relations étroites avec les Récollets de la Province St-Denis. Le Père Pascal Rapine, neveu du Père Charles Rapine, tous deux Récollets, a prononcé une des oraisons funèbres d’Anne d’Autriche au couvent d’Orléans, devant la cour royale.
Quant à Marie-Thérèse, elle a été supérieure de la fraternité des Récollets de Paris, prenant part avec ses sœurs aux réunions mensuelles et aux processions du T. S. Sacrement. Son dévouement à l’Ordre franciscain fut tel, qu’à sa mort en 1683, les frères mineurs, en vertu d’un décret spécial, firent célébrer pour elle les mêmes prières en faveur des défunts que pour le ministre général. Rien d’étonnant que ces deux reines marquées par la spiritualité franciscaine aient joué un rôle dans l’envoi des Récollets en 1615. Elles ont contribué au courant de sympathie en faveur de la mission du Canada auprès de plusieurs personnages influents du royaume de France.

Parmi ces personnages, il faut citer en tout premier lieu les fondateurs de la « Compagnie de Montréal » : le Vénérable Monsieur Olier, tertiaire imbu du plus pur esprit de pauvreté de Saint François et aussi le Vénérable Monsieur Jérôme le Royer de la Dauversière, tertiaire et syndic des Récollets de la Flèche, grand promoteur de la fondation de Montréal. Nommons encore Madame Angélique Fauré de Bullion, épouse du surintendant des finances de France, et, sur l’avis du Père Charles Rapine, bienfaitrice anonyme de Montréal et co-fondatrice de l’Hôtel-Dieu de Jeanne Mance.
Enfin, il ne faut pas oublier les mystiques Normands qui ont constitué l’Ermitage de Caen. Monseigneur de Laval a vécu pendant quatre ans, de 1655 à 1659, sous la direction spirituelle de M. Jean de Bernière, laïc tertiaire, et du Père Chrysostome de St-Lo, du Tiers-Ordre Régulier de Saint-François.
Ces grands noms sont écrits en lettre d’or sur la page couverture du livre de notre histoire. Ils ont présidé, pour ainsi dire, à la fondation de Ville-Marie. De plus, comme ils ont été en relation intime avec les Franciscains Récollets par le Tiers-Ordre, on peut dire que François d’Assise a présidé par eux aux destinées du Canada.
Georges Morin, ofm