Un film récent «À la Porte de l’éternité» que j’ai eu le bonheur de voir au mois de décembre dernier m’a fait mieux connaître les trois dernières années de la vie du peintre Van Gogh vécues surtout à Arles. C’est là, en juin 1888, qu’il a peint l’été en bleu et orange, à partir d’un paysage de récolte pris dans la plaine de La Crau. Ce tableau représente plusieurs étapes de la récolte. Ici, à l’avant-plan, nous voyons les blés fraîchement fauchés, plus loin une meule de foin à laquelle deux échelles sont appuyées, à côté plusieurs chariots. Quelle belle peinture pour illustrer sœur notre mère Terre !
Le Cantique de frère Soleil de François d’Assise commence avec l’image pleine de jeunesse et d’élan printanier de Messire frère Soleil pour se terminer avec l’image de la fécondité automnale des divers fruits de sœur notre mère Terre. C’est un chant qui unit la jeunesse à l’Âge d’or, et ne l’oublions pas c’est à l’automne de sa vie que François a composé cette dernière louange au Seigneur pour ses créatures.
« Loué sois-tu, mon Seigneur,
par sœur notre mère Terre,
laquelle nous sustente et gouverne
et produit divers fruits,
avec les fleurs colorées et l’herbe. »
Cette strophe chante la fécondité de la terre sous l’image archaïque de la ‘mère nourricière’ dont notre vie dépend. Cette bonne terre produit divers fruits pour nous alimenter ou nous sustenter. L’expression de François divers fruits doit sans doute inclure tous les fruits de la terre : les céréales, les légumes aussi bien que les arbres fruitiers. À ces fruits s’ajoutent les fleurs colorées et l’herbe.
« Mais ce qu’il y a de nouveau et, à première vue, de surprenant dans la manière franciscaine de désigner la terre, écrit Éloi Leclerc, c’est le nom de ‘sœur’ qui lui est donné en même temps que celui de ‘mère’ : ‘sœur notre mère Terre’ dit François. Pour celui-ci, la Terre Mère a aussi un visage d’une sœur. Et c’est comme telle qu’il la chante. Il lui confère ainsi une nouvelle jeunesse. Plus profondément, il crée entre lui et la terre une relation nouvelle. L’appellation ‘sœur’ donnée à la terre ne détruit ni n’affaiblit sa maternité, mais elle en marque la limite. Elle signifie, en effet, que si la terre est notre mère, celle dont nous dépendons vitalement, elle n’est pas cependant la source absolue de l’être et de la vie ; elle est elle-même une créature, au même titre que les autres réalités cosmiques. Elle fait partie de la grande famille des créatures. Elle et nous dépendons finalement de la même origine transcendante, du Père qui a créé toutes choses. Bref, elle est notre sœur ».
Dans le Cantique de frère Soleil, écrit Jacques Dalarun « deux créatures bénéficient d’un titre particulier : le soleil est ‘messire le frère Soleil’, tandis que la terre est ‘sœur notre mère Terre’, comme si paternité et maternité devaient venir encadrer cette fraternité universelle… La révolution franciscaine est d’énoncer que la terre ‘nous sustente et gouverne’… L’exégèse antérieure à François proclamait que les hommes devaient dominer et faire fructifier la terre. Il est le premier à bouleverser la donne… La terre ne domine pas : en bonne mère, elle ‘nous sustente et gouverne’. Dans l’italien des campagnes, ‘gouverner’… veut encore dire ‘prendre soin’. »
Que la terre bénisse le Seigneur :
A lui, haute gloire, louange éternelle !